Te Revoir [Gabrielle}

Invité

La cafétéria était loin d'être pleine, ce jour-là. Comme tous les autres jours, d'ailleurs. En général, les étudiants préféraient aller au restaurant où le champagne coulait à flots à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, et les moins chanceux établissaient leurs camps sur les pelouses de l'université. Kaden, lui, s'arrêtait la plupart du temps chez lui pour manger quelque chose, ou se joignait aux "huppés". Mais ce jour-là, il ignorait pourquoi il était dans cette horrible cafétéria. La flemme de rentrer chez lui bien qu'il adore être sur le dos de sa moto, ou le manque de motivation pour être avec ses "amis" peut-être. Quoiqu'il en soit, il y était --'. Il soupira en prenant un plateau. Il remarqua les regards pleins de désir qui brûlaient sa nuque, mais ça faisait bien longtemps qu'il s'y était habitué. Il avait le "style", et le savait très bien. D'ailleurs, il ne refusait jamais une bonne invitation hinhin.

S'asseyant tant bien que mal parmi ses groupies, il réussit à se trouver une table pour lui tout seul. Aujourd'hui, il ne se sentait pas vraiment d'humeur à draguer des minettes, allez savoir pourquoi =__='. Non, aujourd'hui il était calme, presque anormalement, mais forcément il était si mystérieux que personne ne le remarquait. Tant mieux d'ailleurs, il n'aurait pas à répondre à des questions v_v.

Et soudain, il la vit. Naturelle, comme à son habitude. Elle n'avait, de toute façon, pas besoin d'artifices pour être belle, et c'était ce qui avait plu à Kaden, jadis. L'avait-elle remarqué, assis seul à sa table ? Se souvenait-elle de lui ? Sûrement, on n'oubliait pas une nuit passée avec un garçon comme lui, d'autant plus quand c'est la première qu'on passe tout court x). Il ne la lâcha pas des yeux, attendant qu'elle le remarque enfin.

Ce n'était pas vraiment son habitude de venir à la Caféteria. En général, elle mangeait chez elle, ou en ville, dans un petit bar/café. Seulement là, Gabrielle n'avait pas d'argent sur elle, et fut donc contrainte d'aller manger ici.
Passant devant les diverses plats proposés, elle se contenta de trois parts de gâteau au chocolat. Oh, ce n'était pas du tout les bourelets qu'elle craignait, vu qu'elle ne prenait jamais de poids, quelque soit ce qu'elle pouvait avaler. La jeune femme attrapa rapidement une bouteille d'eau, la posa sur son plateau et partit chercher une table. Bien évidement, il n'y en avait aucune de libre. Et la plupart étaient remplie de minettes habillées en Dior qui la regardait d'un air mauvais, elle et son jean tout simple, un peu rembouré par des couverses laissées ouvertes, ainsi que son débardeur noir aussi simple. Gabrielle aimait la simplicité, elle n'était pas du genre à passer trois heures devant son armoire, la dévalisant sur le lit sans trouver quelque chose à mettre. Elle se levait, enfilait ce qui lui passait sous la main et basta. Niveau maquillage et coiffage, c'était pareil, ça restait très sobre.
Elle leur lança un regard dédaigneux, puis s'avançant dans la caféteria, à la recherche d'une introuvable petite table de libre, quand... Elle lâcha son plateau.
Là. Devant. Au bout de la rangée, près de la fenêtre. Il la regardait. Depuis longtemps, déjà, elle le savait. Tout le monde se tourna vers elle et rit, vu que son plateau était à ses pieds. Heureusement pour elle, rien n'avait été cassé, elle remis donc tout dessus et d'avança vers Lui.
La petite blonde s'arrêta juste devant lui, n'osant pas s'assoire. C'était vraiment le seul en face duquel elle ne savait jamais quoi dire.

-Salut Kaden...

Elle attendit une réaction de sa part, n'importe laquelle, pour être sûre qu'elle ne le dérangeait pas. Après tant d'années...

Invité

Quand elle avait laissé tomber son plateau, il avait légèrement rigolé. Un rire grave, sensuel, comme à son habitude. Il avait posé sa main sur sa bouche, le regard rieur, observant la jeune fille remettre son plat sur son plateau et venir, tant bien que mal, près de lui. Maladroite, indécise, c'était ainsi qu'il l'avait connue, et c'est ainsi qu'elle lui avait plu. Le temps d'une nuit, une nuit où il avait totalement perdu le contrôle de lui-même, incluant son coeur et son corps. Une seule nuit, qui changea pour un temps sa vision même de la vie.

- Tu n'as pas changé...

Sa voix grave, légèrement cassée par la cigarette qu'il fumait en trop grande quantité, était presque inaudible mais non moins percutante. Il l'observa quelques instants, en biais sur sa chaise, son regard perçant le corps fin de la jeune fille, avant de l'inviter à prendre place d'un geste de la main. Il ne la quitta pas une seule fois du regard, et elle dût se sentir brûlée de l'intérieur tant celui-ci était puissant et destabilisant x).

- Ca fait... longtemps.

Constatation ? Sûrement. Mais il ne l'avait pas oubliée comme il avait oublié toutes les autres. Car, au travers de ce corps fin, de ce naturel en elle, il y avait quelque chose qui l'avait touché au plus profond de lui.

Le ton grave de sa voix, légèrement rocailleuse, fit fondre la jeune femme. Elle n'avait pas changé.. ? Elle sourit à cette remarque, et évita de le regarder trop longtemps. Il était évident que Gabrielle était déstabilisée par lui, toujours, même après ces années. Et d'ailleurs, que faisait-il ici ? N'était-il pas partit, et comme il lui avait si bien dit, il y a de ça 3 ans, pour ne jamais revenir ?
En s'asseyant, Gabrielle se sentait brûler de l'intérieur. Ce regard. Ce regard chaud, intense, mystérieux que, malgré elle, elle n'avait jamais oublié, revenait parcourir son visage et ses courbes.
C'était cruel, dans un sens. Parce qu'elle avait tenter, pendant tout ce temps, de l'oublier. Et elle y était arrivé. Malheureusement, son apparition soudaine, comme ça... Ca l'embrouillait énormément.
La jeune femme ne dit rien un moment, puis finit par lever sa tête qu'elle avait baissé vers lui, le regardant dans les yeux. Ce qui lui avait plu, chez lui, c'était ce mystère qu'elle pouvait lire au plus profond de son être. Cette intensité qu'il dégageait, et son naturel très masculin et sombre. Oui, c'était tout à fait le genre d'homme qu'elle aimait, alors que la plupart de cette ville était fade, tous pareils, tous égaux. Tendis que lui, lui avait quelque chose. Quelque chose qui faisait battre, en cet instant, son coeur bien plus rapidement qu'à la normal.

-Assez, oui.

Qu'allait-elle dire de plus ? Rien. Elle ne trouvait rien d'autre à dire, tout restait coincé au fond de sa gorge. Gabrielle attrapa une de ses parts de gâteau, en découpa un morceau avec ses doigts et l'engouffra dans sa bouche, fermant les yeux, qu'elle rouvrit aussitôt, sentant le regard de Kaden sur elle, encore et toujours.

-Alors... ?

Alors quoi ? Qu'est ce que tu es devenu ? Qu'as-tu fais pendant ces dernière années ? Toute ses questions étaient rassemblées en un seul mot.

Invité

Elle ignorait totalement l'effet qu'elle lui faisait en ce moment-même, simplement en découpant son gâteau en petits bouts pour les mettre dans sa bouche. D'ailleurs, les yeux du jeune homme ne cessaient de faire l'aller-retour entre ces deux endroits, salivant presque au seul souvenir de la nuit qu'ils avaient passés, trois ans auparavant. Il ignorait si il l'avait aimée, et préférait l'ignorer, à vrai dire. Il n'était pas du genre à s'attacher, et la fille qui s'attacherait trop à lui souffrirait forcément par la suite. Il ignorait si Elle s'était attachée à lui, mais elle avait forcément souffert, non ? C'était toujours comme ça, avec lui.

Alors ? Alors il était revenu, oui. Qu'est-ce qu'il avait fait durant ces trois dernières années ? Il était retourné sur la côte est s'occuper de sa mère. Cette pauvre amnésique lui avait donné du fil à retordre, mais il s'était senti obligé de s'occuper d'elle, de la cajoler comme une enfant, comme pour se faire pardonner de ne pas avoir été là quand elle en avait besoin, de n'avoir été capable que de menacer sans jamais agir, sans pouvoir la sauver. Ce qu'il était devenu ? Rien, il était resté le même. Mystérieux, peut-être encore plus qu'avant. Charmeur aussi.

- Alors... Rien.

Tout lui dire n'aurait servi à rien, de toute façon. Elle avait ses problèmes, il avait les siens, et les éléphants rentraient dans leur enclos rassasiés.

- Et toi ?

Son regard dériva vers son corps, caché par ses vêtements. Elle savait ce qu'il voulait dire, elle savait qu'il savait ce qu'elle endurait chaque jour. Secrètement, il espérait que tout ceci ait cessé, mais l'espoir et lui avaient toujours fait deux --'.

Rien ? Gabrielle sourit. Il était impossible qu'en trois ans, rien ne se soit passé de son coté. Mais il semblerait qu'il n'avait pas trop envie d'en parler, et elle le comprenait parfaitement. Peut être plus tard... ou pas.
Des petits morceaux de gâteau au chocolat restaient collés sur ses lèvres, sans qu'elle n'y fasse très attention. De toute façon, ça avait été souvent comme ça avec elle, elle ne faisait pas attention à grand chose quand c'était sur elle. La jeune femme, après avoir finit ses deux parts de gâteau sur trois, donna la dernière à Kaden.

-Tiens, je te laisse le dernier, ce serait bête que je grossise, je ne te plairais plus après.

Un léger rire, clair et pure comme de l'eau de rivière dans une forêt sans aucune présence humaine, sortit de ses lèvres étirée en un sourire innocent. Elle rigolait, bien évidement. Certes, ce n'était sûrement pas très drôle, mais c'était ce genre de petites choses qui la faisaient rire. Comme quoi, il lui en fallait vraiment peu pour être heureuse.
Seulement, son rire s'effaça à la question que lui posa son ex-petit copain. Il n'eut même pas besoin de préciser qu'elle avait parfaitement compris de quoi il parlait. Ses poings se serrèrent sur la table, et Gabrielle baissa quelque peu la tête.

-Moi... Rien. Pareil. Si ce n'est pire.

Aujourd'hui, elle avait bien fait attention à mettre un pull à col-roulé, pour que personne ne voit... les coups.

Invité

Oh l'erreur... Qu'elle ne lui plaise plus ? Mais que savait-elle de ce qui lui plaisait ou pas ? Que savait-elle de ce qui l'avait décidé à la choisir elle, au lieu d'une autre (certes, il y en avait eu beauuucoup d'autres, mais ne cassons pas tout) ? Sûrement pas son poids. Non, c'était autre chose qui l'avait charmé, quelque chose de beaucoup plus subtil que le fait d'être grosse ou non. C'était la fraîcheur. Car elle en dégageait énormément, sans même s'en rendre compte. Et, quand elle rigola, cette fraîcheur fut si puissante qu'elle en coupa presque le souffle du jeune homme, le prenant aux tripes et lui rappelant des souvenirs passés et jusqu'alors enterrés.

- Si tu penses qu'il me suffirait de ça pour que tu n'me plaises plus...

Sa voix, encore à la fois grave et douce, sensuelle surtout, ne laissait absolument pas passer ses émotions. Résulat de plusieurs années à mentir à sa mère, sûrement, qui avait fait qu'il avait réussi à contrôler sa voix de telle sorte qu'aucune émotion ne puisse transparaître. M'enfin. Kaden serra la machoire à la seconde phrase de la jeune fille. Quelle bassesse, vraiment. Il détestait cela trois ans auparavant, et il détestait cela encore plus. C'était à cause de ce genre de choses que sa mère était dans cet état, à cause d'un mari violent, il détestait ça, et se détestait lui-même de ne rien pouvoir faire. Pris d'un soudain élan de tendresse envers la jeune fille comme il n'en avait pas ressenti depuis des années, il posa sa main douce et chaude sur la sienne et murmura quelques mots.

- Tu es majeure, Gabrielle. Tu as le droit de partir si tu souffres, et je sais que c'est le cas.

Un timide sourire pris place sur son visage. Comme quoi, même après les années, on oublie pas. Pour sa part, Gabrielle n'avait pas oublié ces moments qu'ils avaient passés essembles, tous les deux. A l'époque, ils vivaient au gré du vent, comme bon leur semblaient, et il ne se souciaient pas de ce qui pourrait arriver, tant qu'ils étaient à deux. Et même si c'était désormais révolu, la jeune femme ne pouvait lui en vouloir. Après tout, il avait toujours été comme ça, volatile, n'aimant pas trop rester au même endroit, avec la même personne. Gabrielle espérait seulement que ces trois mois passés ensembles, qui lui avaient semblé courts et longs à la fois, n'étaient pas rien à ses yeux.
Un frisson électrique lui parcoura l'échine quand Kaden posa sa main sur la sienne, délicieux contact oublié depuis trois années. Trop longtemps. Bien trop longtemps. Son souffle se coupa un instant, et ses yeux s'encrèrent imédiatement dans ceux du beau brun qui était jadis son petit copain. Elle se mordit la lèvre inférieur, et tout passa dans son regard. Le remerciement. La demande aux secours. Les souvenirs. Les intentions. L'amour... ?

-Je sais, mais où pourrais-je aller ? Si je m'en vais, je sais parfaitement que mon père coupera tous les ponts et tous les vivres qu'il me doit. Je serais capable de travailler, bien évidement, mais ce ne sera certainement pas assez, et ma mère...

Gabrielle baissa la tête. Même si la haine envers sa mère était presque aussi forte que celle qu'elle portait à son père, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable si elle partait, bien qu'elle ne lui était redevable en rien.
Sa manche, qui s'était relevée légèrement sous ses mouvements, laissant percevoir sa peau quelque peu blanche, avec plusieurs bleus, certains plus marqués que d'autres. Rapidement, elle la tira, de sorte à ce qu'elle soit totalement cachée. Elle tenta de rassurer Kaden avec un sourire, mais il sonnait faux.

-Ce n'est rien...

Invité

Rien ? Ces bleus, c'était rien ? Kaden en avait trop souvent vu, des bleus de ce genre. D'horribles bleus, causés par une violence qui devrait être punie et qui ne l'était que trop peu souvent. Une souffrance telle qu'elle coupait le souffle à la victime, et aux autres... Ceux qui s'inquiétaient, qui l'avaient vécu, parfois même à ceux qui la procuraient, dans les moments de mélancolie. Ce n'était pas rien. Si c'était rien, que faisait sa mère à l'asile, hein ? Si c'était rien, pourquoi ne se souvenait-elle jamais de lui ? Si c'était rien, pourquoi se sentait-il si vide à l'intérieur de lui, hein ? C'était loin d'être rien, très loin même. Et Gabrielle le savait très bien. Un simple sourire rassurant ne suffirait pas à atténuer l'inquiétude, les blessures passées du jeune homme.

- Alors tu veux continuer comme ça, souffrir autant pour quelque chose que tu ne mérites pas ? Pour... De l'argent ?

Mais qui était-il pour parler d'argent, lui qui était totalement subventionné par ses grands parents qu'il ne voyait qu'une fois tous les dix ans ? Personne. Sauf peut-être un témoin d'une violence passé, et le souvenir d'une souffrance toujours présente. Non, trop de gens avaient souffert par la faute de la violence, et quelqu'un se devait d'arrêter ça. Son regard bleu sembla lancer quelques éclairs avant de se plonger à nouveau dans ceux de la jeune fille, mélant à la fois colère, peine et d'autres trucs totalement contradictoires.

- Les avocats existent. Tu pourrais t'en sortir. Et tu as toujours Rose, je me trompe ?

Son coeur se serra quelques secondes tandis qu'il buvait une longue gorgée d'eau. Il se tourna ensuite une nouvelle fois vers la jeune fille et lui lança un faible sourire, cependant il fut sûr qu'il lui donnerait la foi. Il l'avait toujours fait.

Gabrielle fronça les sourcils. Pourquoi est-ce qu'il s'énervait autant ? Après tout, qu'est ce qu'il en savait, lui, hein ? Et bien, justement, la question se trouvait là. La jeune femme se souvenait parfaitement de ces moments où il disparaissait, sans raison à part entière, juste un "Désolé, problème de famille", ou même un simple "Je dois y aller", alors qu'ils étaient ensembles. Serait-il possible qu'il vivent quelque chose du même genre, chez lui ? Non, Gabrielle n'avait jamais vu aucune marque de coup sur son corps ou son visage. Alors... Comment ?

-Et tu préfères quoi, que je meurs de faim ou de froid ? Peut être que je pourrais mourir sous ses coups, mais si je m'en vais, je mourrais sûrement quand même ! Tu dis "Juste pour de l'argent", et je suis d'accord, seulement c'est ce putain de fric qui permet à tous le monde de vivre, Kaden !

Elle avait un peu trop haussé la voix, et plusieurs personnes de la Cafeteria s'étaient retournés vers eux, les regardant d'un air surpris et curieux. La jeune feme aux cheveux blonds se renforgna sur sa chaise, se mordant la lèvre inférieur. Elle regrettait déjà de lui avoir, en quelques sortes, "crié dessus". C'était une chose qu'elle avait toujours détesté, heureusement pour elle que ça n'arrivait pas souvent.

-Excuse moi... Je m'énerve pour un rien en ce moment, je suis un peu à cran, et je ne veux pas me mettre à dos une des seules personnes qui veut m'aider et qui compte pour moi.

Un petit sourire se dessina sur son visage à l'entente du prénom "Rose". Sa meilleure amie, et ce depuis longtemps déjà.

-Oui, j'ai toujours Rose... D'ailleurs, en parlant d'elle, évite de l'approcher parce que je crois que sinon, elle essayera de te tuer.

Gabrielle rigola légèrement, un de ses mains posées sur ses lèvres.

» Gabrielle Feeler [Fini]